Déclaration de Joël Batteux, 25/09


CONSEIL MUNICIPAL DU 26 SEPTEMBRE 2008

Les mesures imposées par Xavier Darcos, qui s'enchaînent sans aucune concertation avec le monde éducatif et les collectivités locales, instaurent un climat malsain qui démotive les enseignants, éloigne les familles de l'école publique et laïque et accentue les inégalités entre les élèves.

Le gouvernement ose parler de réformes. La Majorité Municipale dit clairement qu'il s'agit d'un démantèlement. Réformer l'École, ce n'est pas l'affaiblir, ce n'est pas appliquer des recettes passéistes ou comptables qui se mesurent en suppression de milliers de postes.

Sur le temps scolaire, partant du constat que 10 à 15% des élèves entrant en 6e sont incapables de suivre les cours, ce ministre et ce gouvernement imposent la réduction de la durée d'enseignement. Pour utiliser un des slogans chers au président Sarkozy, il propose aux élèves de "travailler moins pour apprendre plus".

Or, de nombreux chercheurs, en particulier ceux qui travaillent sur les rythmes d'apprentissages, ont démontré que la fatigue scolaire est aujourd'hui une des causes de l'échec.


Plutôt que redéfinir les rythmes de la journée et de la semaine, le rythme annuel et la périodicité des vacances, le ministre a préféré concentrer la semaine sur 4 jours. C'est une aberration. Au détriment de la réussite de tous les élèves ce projet pénalise ceux qui ont le plus besoin d'école.

Pour la refonte des programmes, ni les avis de la communauté éducative, ni les apports de la recherche et l'intérêt des élèves n'ont été pris en compte. Les nouveaux programmes étaient retranscrits dans les manuels 2008 dès fin avril alors que la pseudo consultation a débuté le 31 mars ! Pire encore, contrairement à ce que Xavier Darcos prétend, ces programmes sont marqués par une conception mécaniste des apprentissages et un affaiblissement de la dimension culturelle de l'enseignement.

Le soutien scolaire vu par Monsieur Darcos doit être vigoureusement dénoncé. Sa décision d'attribuer deux heures de soutien aux élèves les plus en difficulté sur la base du volontariat, lui permet de supprimer environ 8000 postes de Réseaux d'Aides Spécialisées pour les Enfants en Difficulté. Animés par des enseignants spécialisés, ces réseaux sont requis lorsqu'une réponse pédagogique suffisante ne peut être apportée. Ils ne se substituent pas à l'action du maître, ils l'accompagnent pour prendre les difficultés de l'enfant dans leur ensemble : pédagogique, rééducative, psychologique. Du sur mesure en quelque sorte.

Avec sa version du soutien scolaire, il prend au piège les enseignants qui vont devoir appliquer une loi qu'ils savent absurde et inefficace. Ils savent que la réponse à l'échec scolaire ne peut se résumer à 2 heures de soutien distillés entre le matin, le midi ou le soir.
Cette mesure annonce très clairement une augmentation des élèves en difficultés ou en échec. Les parents informés des classes moyennes et supérieures sauront compenser les défaillances de l'école publique par le recours payant à des organismes de soutien, privés et fiscalement avantageux. Les milieux populaires, eux, feront les frais de cette restructuration.
Si j'insiste sur la question du soutien scolaire, c'est parce que nous l'avons inscrite au coeur de notre projet éducatif local, car c'est pour nous intolérable d'accepter cette sorte de fatalité qui frappe trop d'enfants.

Il y a un autre projet Darcos - vous remarquerez que je ne dis plus réforme - qui nous impacte directement, c'est le droit d'accueil, la nouvelle version en somme du service minimum. Il s'agit ni plus ni moins d'une défausse de la responsabilité de l'État sur les communes. Avec Raffarin, on a eu le transfert de compétences sans le transfert de toutes les ressources afférentes ; avec François Fillon, on a la défausse de compétences, avec bien sûr, pour les maires une responsabilité de plus en plus engagée.

Les collectivités locales sont sommées d'organiser un droit d'accueil dans les établissements scolaires en grève parce que l'État refuse de se donner les moyens d'assurer cet accueil pour cause d'incapacité à gérer les conflits avec ses fonctionnaires. C'est comme si à l'occasion d'une grève des rippeurs, la CARENE demandait aux services de l'État d'organiser la collecte des ordures ménagères ! On marche sur la tête !
Il incombe aux maires d'organiser la prise en charge des élèves, les dispositions du code de l'action sociale et des familles n'imposent pour les modes d'accueil des mineurs n'excédant pas 14 jours par an, aucune obligation en terme de qualification des personnels ou de taux d'encadrement, et que fera-t-on en cas de mouvement dur qui dépasserait cette limite ? Outre le personnel municipal, le maire peut faire appel à des assistantes maternelles, des animateurs, des membres d'associations familiales, des enseignants retraités, des étudiants, des parents d'élèves... qu'il faudra mobiliser en moins de 48H tout en informant en 24h les familles des modalités pratiques de l'accueil.
Le gouvernement voudrait casser le droit de grève, voudrait opposer les parents aux maîtres, les grévistes aux non grévistes, les collectivités locales à l'Éducation nationale, il ne s'y pendrait pas autrement.
En tout état de cause, une chose est sûre à l'heure où je vous parle, c'est que nous sommes aujourd'hui incapable de mettre en oeuvre ce droit d'accueil.

Nos services réfléchissent, des hypothèses sont étudiées, nous sommes en contact avec d'autres villes pour confronter nos idées, mais cette mesure est inapplicable dans de bonnes conditions.
L'accumulation des ces changements non concertés fait que nous sommes face à une situation qui va être irréversible et au final il y a tout lieu de croire que notre service public d'éducation est gravement menacé.

Et c'est sur ce point que je veux terminer. Pilier de notre République, instrument majeur de l'égalité des chances entre tous les enfants, l'école publique et laïque doit être réformée là ou cela est nécessaire, mais dans la concertation et le respect de tous les partenaires. Deux indicateurs sont pour nous, la majorité de gauche de Saint-Nazaire, les signes que l'École de la République doit être réformée : le nombre de jeunes qui sortent du système sans formation et la répétition des inégalités sociales. Un chiffre parle : la moitié seulement des enfants d'ouvriers obtiennent le baccalauréat contre 90% des enfants de cadres et d'enseignants.
Nous n'acceptons pas que l'école reste un lieu de reproduction des inégalités sociales, que si peu d'enfants de condition modeste ne puissent poursuivre leurs études, que les plus en difficulté décrochent du système scolaire et sortent sans formation.
Il est là, le vrai talon d'Achille de l'école, mais ce n'est la priorité du gouvernement. Le Président Sarkozy n'a pas fixé comme feuille de route à Xavier Darcos la réussite éducative. Par ailleurs, à force d'entendre le Président de la République se positionner à tout va sur le thème de la « laïcité positive », on peut craindre qu'il ne décide un jour de porter le prochain coup sur le caractère laïc de l'école (cf. le pape).
Personne ne doit minimiser ce risque.

Devant le désastre qui s'annonce, je rappelle que les socialistes, les verts, les communistes du Conseil Municipal, soutiennent les parents et les enseignants qui se mobilisent contre les projets de monsieur Darcos. Nous continuerons à le faire.

Joël BATTEUX

 

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